dimanche 28 février 2016

Mémoires de Pontigny




 Abbaye de Pontigny
salle des convers, grilles intérieures 
cliché collection privée


A l'occasion des festivités des 900 ans de l'Abbaye, nous avons demandé aux habitants comment ils avaient vécu les grandes dates du 20e siècle. Ces "Mémoires de Pontigny" (1) ont mis en relief le lien étroit qui unit
la population de ce petit village à son abbaye cistercienne :
les familles de souche pontignatienne ont été en effet très nombreuses à nous transmettre des souvenirs évoquant Paul Desjardins, l'Abbé Tauleigne,

le Collège franco-américain des Pères de Saint-Edme, la Mission de France ....

Claude Graillot, par exemple, a été l'un des premiers à nous faire parvenir un texte concernant son grand-père, Edmond Graillot. Celui-ci a fait partie des artisans qui ont travaillé pour Paul Desjardins. Il a réalisé les grilles intérieures de la salle des convers. Voici son témoignage.


« Installé à Pontigny comme Maréchal-ferrant, et suite à la demande de Paul Desjardins, parrainé par les Beaux- Arts de Nancy, mon grand-père Edmond Graillot (2), né en 1882, accepta de réaliser à la forge les grilles de la Bibliothèque de Desjardins - actuellement salle du dortoir des Convers. Cela représenta 900 heures de travail, uniquement en forge et ferronnerie.
En 1952/53, suite à l’explosion du train de munitions en gare de Pontigny pendant la seconde guerre, il réalisera aussi la réparation de la ferronnerie des vitraux de l’abbatiale, soufflés par cette explosion. Cela représentera deux années de travail.
Pour ces deux événements, en plus des services rendus aux habitants de la commune, il reçut le 1er octobre 1960 la croix de Chevalier du Mérite Confédéral en récompense des éminents services rendus à la Confédération Nationale des artisans ruraux. Conseiller municipal de 1945 à 1959, il décédera en 1977, entouré par ses trois fils Pierre, Jean et Jacques.
 Il repose au cimetière de Pontigny, après une vie bien remplie de travail et de dévouement au sein de cette commune qu’il apprécia particulièrement. »


(1) un recueil a déjà été publié, envoyez-nous un mail à pontignyenlumiere@gmail.com  si vous souhaitez l’acquérir ou venez à la boutique de notre 
association, sur le domaine abbatial qui ouvrira en avril.


(2) Edmond Graillot est cité dans le livre In memoriam Paul Desjardins :
« Pour entrer dans l’église, le grand cercueil est porté par des artisans du pays, ceux qu’il aimait, ceux qu’il avait fait travailler pour l’Abbaye -le forgeron surtout - Graillot, l’auteur des belles portes de la bibliothèque. »
                                                                                                                
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dimanche 21 février 2016

Façade est de Pontigny - cliché Richard Galleron

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Joachim du Bellay (1522 - 1560)




Il va venir, il est venu ! Effervescence à Pontigny  au milieu du 16e siècle

Je suis le prieur de l'abbaye de Pontigny, l'adjoint de l'abbé si vous voulez et ma tâche est bien compliquée depuis qu'une décision du roi François 1er a bouleversé la vie de toutes les communautés monastiques.
Nous n'élisons plus notre abbé, le roi le choisit pour récompenser des services rendus.*

J'attends donc, en cette année 1545, la venue de Monseigneur Jean du Bellay, notre abbé commendataire, comme on doit le dire, un cardinal s'il vous plaît.

Voilà, il est venu, il a apposé sa signature et son sceau sur l'acte officiel, il a tout juste visité le domaine, à peine posé des questions sur les revenus et il est parti pour Rome. Nous ne le reverrons plus.

Le petit jeune homme (Joachim du Bellay) qui l'accompagnait et lui servait de secrétaire, avait l'air bien triste de quitter la douce France.



*François 1er décide que des laïcs, grands seigneurs ou bourgeois, serviteurs de la monarchie, vont percevoir les revenus des abbayes sans aucune contrepartie. Jusqu'alors, les abbés étaient élus par les moines au sein de l'abbaye.Cette décision royale est souvent considérée comme le début de la ruine des ordres monastiques.











lundi 8 février 2016




Vue sur le bâtiment des convers et l'aile conservée de l'ancien cloître 
Abbatiale cistercienne de Pontigny

"L'homme veut tout voir. La curiosité dynamise l'esprit humain". 
Gaston Bachelard, écrivain participant aux décades de Pontigny (milieu XXe siècle)


Au coeur de l'hiver, la visite de l'église de Pontigny oblige à un autre regard ; la lumière est douce et différente. Les rayons du soleil révèlent toutes les techniques de l'architecture employée et ici à Pontigny, les bâtisseurs ont à chaque siècle trouvé comment s’adapter au terrain marécageux, puis aux volontés des moines pour l'organisation de leur journée et des prières.

Les codes appris par ceux qui sont habitués à découvrir les édifices religieux font que chacun voit le roman et le gothique, reconnait la sobriété cistercienne. Et pourtant , si ce jour-là, le ciel est bas et gris, apparaît dans la pénombre, en fin de journée, des détails qui faussent ces fameux codes. Pour celui qui vient ici souvent, c'est là tout le charme de ce lieu.

Pour ceux qui viennent pour la 1ère fois, l'éblouissement et le choc émotionnel s'emparent d'eux sous la tribune d'orgue. Puis subtilement, en avançant, alors qu'ils pensaient voir une unité, ils remarquent les motifs différents des chapiteaux au feuillage stylisé et les voûtes qui évoluent avec leur avancée. 

 A l'extérieur, l'ensemble des bâtiments et le parc du domaine jouent aussi un rôle dans ce puzzle d'histoire.

C'est tout cela qui met notre metteur en scène Fabrice Maigrot en ébullition en ce moment ; il écrit notre futur spectacle du mois d'août, "Le temps des bâtisseurs". Chaque bénévole, à chaque visite à Pontigny, se demande ce qu'il va retranscrire de tout ce que Pontigny offre à la réflexion, à l'architecture, à la force de l'âme humaine et aussi à ce que peuvent faire les hommes de bonne volonté ensemble.